ÚäæÇä ÇáãæÖæÚ : äÓÎÉ ÇÕáíÉ ãä ÊÞÑíÑ áÌäÉ ÇáÊÍÞíÞ Ýí ãÌÇÒÑ 8 ãÇí 1945
ãÞÏã ãä ØÑÝ ãäÊÏíÇÊ ÇáÚäÏáíÈ
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ÇáÊÞÑíÑ ( äÓÎÉ Úä ÇáÇÕá ) :
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RAPPORT[align=left]
À Monsieur le Ministre Plénipotentiaire
Gouverneur Général de l'Algérie
de la Commission chargée de procéder à une
enquête administrative sur les évènements
qui se sont déroulés dans le département de
Constantine les 8 mai 1945 et jours suivants
____________
La Commission a été instituée par arrêté gubernatorial du 18 mai 1945. Elle est composée
de
M. le Général TUBERT, membre de l'Assemblée Consultative provisoire, Président
MM LABATUT, Avocat Général à la Cour d'Appel d'Alger
TALEB Choaib Ould Benaouda, Cadi de Tlemcen
Membres
Aux termes de l'article 1er de l'arrêté, la Commission était chargée de procéder à
une enquête administrative sur les évènements qui se sont déroulés dans le département
de Constantine les 8 mai 1945 et jours suivants.
Le samedi 19 mai, dans l'après-midi, les services du Gouvernement Général avisaient
officiellement les membres de la Commission de leur désignation, mais M. le
Cadi TALEB qui réside à Tlemcen, ne pouvait être averti que télégraphiquement et, à
raison des difficultés des communications, il n'a pu rejoindre Alger que le jeudi 24 mai.
En attendant M. le Cadi, M. le Général TUBERT et M. LABATUT décidaient un
plan de travail qui était approuvé par M. TALEB à son arrivée à Alger.
La Commission partait pour Sétif le vendredi matin 25 mai, elle gagnait Constantine
le samedi après-midi en passant par Chevreul, un des centres les plus éprouvés par
l'insurrection. Par communication télégraphique du samedi 26 mai à 19 heures, transmise
par le Préfet de Constantine, la Commission était invitée à revenir de suite à Alger.
Les membres de la Commission ont quitté Constantine le lundi matin 28 mai pour arriver
à Alger dans l'après-midi où ils ont été reçus en audience par M. le Ministre Plénipotentiaire,
Gouverneur Général de l'Algérie et M. le Secrétaire Général du Gouvernement.
Antérieurement à son départ d'Alger et notamment les mardi, mercredi et jeudi
22, 23 et 24 mai, les deux membres de la Commission présents à Alger avaient eu des
conversations relatives à leur mission avec diverses personnalités de l'Administration,
notamment le Directeur des Affaires Musulmanes du Gouvernement Général et le Directeur de la Sécurité Générale, les personnalités du milieu colon et du monde musulman, délégués financiers, conseillers généraux, cadis.
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La Commission unanime avait décidé de faire une enquête objective, de n'étayer
son rapport et ses conclusions que de faits précis dûment prouvés ou tout au moins gravement présumés et d'indiquer dans son travail d'ensemble les sources de ses renseignements.
Elle projetait de faire une première tournée rapide de 5 à 6 jours en enquêtant
succinctement dans les principaux centres d'émeutes, puis de revenir à Alger mettre au
point cette première documentation qui lui aurait procuré une vue d'ensemble. La
Commission serait ensuite repartie pour mener son enquête plus minutieusement et plus
en détail.
Elle avait manifesté sa volonté, non seulement de se faire communiquer les rapports
administratifs ou policiers et de provoquer des remises de notes par les personnes
dont elle recevait les déclarations, mais encore elle avait commencé à Sétif et aurait
continué à recueillir par procès-verbaux dressés dans la forme administrative les dépositions de personnalités quels que soient leur grade dans la hiérarchie administrative ou leur situation politique, toutes les fois qu'une réponse non équivoque devait être donnée, pour tenter d'aboutir à la recherche de la vérité.
La Commission a cessé de travailler officiellement le samedi 26 mai au soir, dès
qu'elle a reçu des instructions de revenir à Alger, mais le dimanche 27 mai elle a eu des
conversations avec le Préfet de Constantine, le haut personnel de la Préfecture, des
chefs de la police, le Général Commandant la Division, certaines personnes du milieu
colon comme du milieu musulman. Cependant aucun procès-verbal d'audition n'a été
dressé, la Commission ne se reconnaissant plus le droit d'enquêter dans les formes
qu'elle avait prévues.
M. le Gouverneur Général de l'Algérie a bien voulu demander à la Commission
de condenser dans un rapport les premiers résultats d'une enquête qui n'a duré que cinq
jours consacrés surtout à des prises de contact avec bon nombre de personnalités appartenant à tous les milieux administratifs, politiques et culturels. Ce rapport ne peut donc que donner des indications et des impressions, dont beaucoup n'ont pu être soumises à un contrôle rigoureux, ainsi qu'il sera expliqué, mais il permettra – croyons-nous – de
dégager les grandes lignes de l'objet de l'enquête, les buts poursuivis par la Commission
et de signaler les vérifications qui paraissent s'imposer.
§1 – RAPPEL SUCCINCT DES FAITS MOTIVANT L'ENQUÊTE.
À Sétif, le 8 mai, alors que la population s'apprêtait à fêter la fin des hostilités, de
sanglants incidents se déroulent : 29 européens étaient assassinés. Des émeutes éclataient
par la suite dans le département de Constantine, prenant le caractère dans certaines
régions d'un véritable soulèvement.
De nombreuses victimes étaient sauvagement massacrées.
Dans la même journée du 8 mai le car de Bougie à Sétif était attaqué ; le bordj de
la commune mixte de Takitount était envahi par les indigènes qui s'emparaient des armes
; l'Administrateur, son adjoint, le Receveur des P.T.T. étaient tués et l'agitation gagnait
la région environnante ; un prêtre était assassiné à El Ouricia ; des fermes brûlées
et d'autres immeubles saccagés à Sillègues. Le centre d'Aïn-Abessa était attaqué.
Le 9 mai des bandes armées sillonnent la région de Djidjelli, assassinent quatre
gardes forestiers et leurs familles et tuent quatre autres personnes à La Fayette. Le centre
de Kerrata est livré au pillage, le juge de paix et sa femme sont assassinés ainsi que
huit autres personnes.
Autour de Guelma des fermes sont assaillies et plusieurs colons tués. Le centre de
Chevreul à 40 km au N.E. de Sétif est entièrement incendié, la population se réfugie à la
gendarmerie où elle soutient un siège de 30 heures : 2 colons périssent.
Le 10 mai le village d'Aokas (commune mixte d'Oued Marsa), la gendarmerie de
Tessara ; le bordj et la poste de Fedj-M'Zala sont encerclés.
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À Oued Marsa deux français sont tués ; les communications téléphoniques sont
interrompues dans la région ; deux autres gardes forestiers sont assassinés.
La voie ferrée est coupée aux environs de Duvivier.
Il faut aussi signaler des manifestations le 8 mai à Batna, Biskra, Khenchela,
Bône avec jets de pierre sur les immeubles ou les agents du service d'ordre. Plusieurs
agents ont été blessés.
À partir du 13 mai, l'ordre se rétablit peu à peu, mais jusqu'à ces jours derniers on
signale encore des incendies de bâtiments dépendant de fermes isolées et de rares attentats contre des personnes, ainsi que des lignes téléphoniques coupées.
Au total, d'après les renseignements fournis à la Commission par le service de la
Sécurité Générale 102 européens ont été assassinés, plusieurs femmes, dont une de 84
ans, ont été violées. Les cadavres, dans la plupart des cas ont été affreusement mutilés,
les parties sexuelles coupées et placées dans la bouche, les seins des femmes arrachés et
les émeutiers s'acharnaient sur les cadavres pour les larder de coups de couteau.
Les troupes, sous le commandement du Général Duval qui est à la tête de la Division
territoriale de Constantine, ont dû intervenir. Des éléments marocains, sénégalais et
de la Légion Étrangère ont été amenés pour réprimer les émeutes. Le Général Duval a
déclaré verbalement à la Commission qu'au cours des opérations de répression 12 militaires avaient été tués et 20 blessés.
Dans la région des Babors, au Nord de Sétif, l'émeute a pris l'allure d'une dissidence.
Les troupes appelées pour rétablir l'ordre étaient accueillies, devant certains
douars, à coups de fusil ou même d'armes automatiques, ce renseignement nous a été
donné tant par le Général Commandant la Division que par un Lieutenant-colonel de la
Légion Étrangère et par le Préfet de Constantine.
Les colons de Chevreul, qui sont tous des petits ou moyens colons – le plus riche
possède 200 ha – qui travaillent eux-mêmes leurs fermes, nous ont déclaré que depuis
46 ans, date de la création de ce centre, aucun incident même minime n'avait séparé la
population française de la population musulmane et que les archives de la Justice de
paix de Périgotville pourraient l'attester.
Cependant les colons ont reconnu parmi les assaillants leurs domestiques de
ferme dont certains avaient été élevés par eux depuis leur plus bas âge et qui étaient
employés parfois depuis 30 ans.
Aucun musulman n'avait averti les colons d'un danger possible, encore que ceuxci
soupçonnassent, à des conciliabules et à des attitudes réservées, qu'il se tramait quelque
mouvement.
Il nous a été affirmé par les colons et confirmé par des bergers indigènes que les
assaillants ont attaqué le centre de Chevreul, composé d'une douzaine de maisons, aux
cris de Djihad, Djihad ! (guerre sainte).
Les colons ont dû se réfugier à la gendarmerie où ne se trouvaient que deux gendarmes
armés de deux mousquetons. Ils avaient emporté leurs fusils de chasse et ont pu
repousser les assaillants jusqu'à l'intervention de la troupe qui les délivrait.
La Commission a pu constater que deux cloisons de briques, à l'intérieur de la
gendarmerie séparant trois pièces avaient été traversées par le même projectile tiré de
l'extérieur.
Si les scènes les plus violentes se sont déroulées d'une part à Sétif et dans la région
au Nord et N.E. de cette ville et d'autre part autour de Guelma, il est certain qu'à
peu près tout le département a été secoué par une vive agitation durant les journées qui
ont suivi le 8 mai et que des rassemblements menaçants d'indigènes ont été signalés,
notamment à El Arrouch, Jemmapes, Oued Amizour, Condé Smondou, Chateaudun, El
Milia, Oued Zénati (rapports de police communiqués par la Préfecture).
Ces évènements ont motivé l'ouverture d'une information judiciaire militaire. Il
appartient à la juridiction militaire de rechercher et de juger tous auteurs et complices de
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toutes les infractions pénales commises ou révélées par les évènements depuis le complot
possible contre la sûreté de l'État jusqu'au port d'armes prohibées.
Mais la Commission administrative qui n'entendait nullement empiéter sur les attributions des juges militaires, pensait que sa mission était de rechercher les causes profondes du soulèvement, les explications du succès de la propagande anti-française, les
responsabilités tant de complaisance qui avait pu se manifester vis-à-vis de cette propagande que de carence ou d'inertie à la signaler ou à la combattre. De même elle se proposait de rechercher si les mouvements dont les évènements ont fait apparaître la virulence pouvaient être prévus, si toutes les précautions avaient été prises pour les juguler aussi bien localement que dans tout le pays et si lors du déroulement des émeutes, toutes les Autorités avaient fait leur devoir avec sang-froid et diligence. Enfin la Commission pensait qu'elle devait aussi enquêter sur la répression qui a suivi les émeutes, sur sa légalité et son étendue comme sur les circonstances de fait qui l'ont entourée.
§ 2 – "CLIMAT PSYCHOLOGIQUE" DE L'ALGÉRIE AVANT LES ÉVÈNEMENTS.
Il est inutile d'insister longuement sur un état d'esprit navrant et bien connu. Alors
que la fraternité de tous les Algériens, musulmans ou non, était attestée sur les champs
de bataille et que l'étendue de leurs sacrifices prouvait leur vaillance et leur fidélité à la
France, que les régiments de tirailleurs, retour de la Métropole, se plaisaient à raconter
l'accueil enthousiaste reçu lors de la libération de la Patrie (propos rapportés à la Commission par le Président de la Délégation spéciale de Sétif), il paraissait en Algérie se creuser depuis plusieurs mois un fossé qui dressait comme deux masses hostiles les populations européennes et musulmanes. Il ne se passait de jour où sur un point du territoire algérien des incidents, des injures, voire des coups, opposaient musulmans et européens.
Des provocations et des menaces n'épargnaient ni les femmes ni les enfants : jets
de pierre à la sortie des écoles lancés par de jeunes indigènes sur des français, injures
sur les marchés et dans les voitures de transport en commun, hésitations de musulmans
loyaux de se promener avec des européens de crainte de passer pour "pro-français",
chez les meilleurs, désaffection de l'Administration qui représente la France, paroles
non dissimulées de haine ou de révolte, bandes qui dans les villes interdisaient aux musulmans de fréquenter les cafés où des Français étaient assis, interdiction aux femmes
musulmanes de travailler chez les "Français".
La Commission a d'ailleurs constaté que souvent les européens répliquaient par
des termes de mépris et que le vocable "sale race" résonnait trop fréquemment à
l'adresse des indigènes, que ceux-ci n'étaient pas toujours traités, quel que soit leur rang
social, avec un minimum d'égards, qu'ils étaient l'objet de moqueries ou de vexations.
En ce qui concerne plus particulièrement le département de Constantine, la Commission
croit devoir signaler trois faits racontés à la Préfecture ou à la Direction de la
Sécurité Générale : un instituteur de la région de Bougie donne comme modèle d'écriture
la phrase suivante : "Je suis Français, la France est ma patrie" et les jeunes musulmans
modifient d'eux-mêmes le modèle et écrivent : "Je suis Algérien, l'Algérie est ma
patrie". Un autre instituteur fait un cours sur l'Empire Romain. Quand il parle des esclaves,
une voix s'élève et s'écrie : "Comme nous". Enfin une partie de "foot-ball" à Bône a
dû être arrêtée par crainte d'émeute, parce que les équipes en présence étaient composées
l'une exclusivement de musulmans et l'autre exclusivement "d'européens" et que le
public menaçait d'en venir aux mains suivant que l'une ou l'autre des équipes prenait
l'avantage.
Si les éléments d'information succincts réunis par la Commission ne permettent
pas de préciser la profondeur dans les masses musulmanes de l'hostilité signalée, la multiplicité de renseignements parvenus permet d'affirmer que les démonstrations de cet
état d'esprit couvraient tout le territoire algérien.
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>>>>> ÑÏæÏ ÇáÃÚÖÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÇÁ Úáì ÇáãæÖæÚ <<<<<
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>>>> ÇáÑÏ ÇáÃæá :
ÇáÓáÇã Úáíßã æ ÑÍãÉ Çááå
ÊÇÈÚ
[align=left]§ 3 – LES PREMIÈRES MANIFESTATIONS IMPORTANTES AVANT LA
JOURNÉE DU 8 MAI À SÉTIF.
En ce qui concerne les jours qui ont précédé immédiatement le 8 mai, la Commission
doit souligner que la journée du 1er mai fut un pré****e pour nombre de musulmans
de manifester en réclamant la libération de MESSALI, l'indépendance de l'Algérie et la
fin du colonialisme.
Dans le département de Constantine, cette journée fut marquée par des cortèges
spécifiquement musulmans à Bône, Bougie, Guelma, Philippeville, Souk-Ahras, Tébessa,
Colle, Khenchela, Aïn-Beïda, Sétif. Ces cortèges distincts des manifestations syndicalistes
suivaient les cortèges officiellement autorisés ou au contraire tentaient de les
couper. À Sétif, 5.000 musulmans environ se dirigèrent vers la salle des fêtes où se
trouvait la réuinion syndicaliste en hurlant : "Messali ; Libérez Messali". Les femmes
excitaient de leurs "you you" les manifestants.
La police ne put empêcher l'attroupement, mais aucune brutalité ne fut exercée, ce
jour-là, à Sétif sur le service d'ordre et les manifestants demeurèrent en dehors de la
salle des fêtes.
Il est à la connaissance de la Commission que la journée du 1er mai a été marquée
par de graves manifestations du même ordre et poursuivant le même but dans des villes
des départements d'Oran et d'Alger et notamment aux chefs-lieux de ces départements.
La Commission se proposait de vérifier si antérieurement aucun cortège ou rassemblement
important, à caractère politique, n'avait été signalé et si le début des manifestations
en masse coïncidait avec le 1er mai.
Le 7 mai à 15 h 45 le Colonel, commandant la subdivision de Sétif téléphonait au
Commissariat central que l'Armistice était officiellement signé. Les cloches et les sirènes
annonçaient la fin des hostilités, les maisons pavoisaient et des cortèges d'européens
se formaient dans la joie. Il apparut vite que les musulmans ne se joignaient pas aux
Européens Les anciens combattants avaient organisé un cortège, cinq ou six musulmans
seulement, anciens combattants, y participèrent, un tirailleur indigène ivre provoque un
incident en criant : "Vive de Gaulle ; Vive Messali". La foule musulmane reprend en
choeur : "Vive Messali".
Des groupes de 200 à 300 musulmans manifestent devant le cercle de l'Éducation,
un Inspecteur de la Sûreté est pris à partie, un européen molesté. La nuit cependant est
calme.
§ 4 – LE 8 MAI A SÉTIF
Le 8 mai au matin, une patrouille de police vient informer le Commissaire central
que de nombreux indigènes se rassemblent autour de la mosquée. Le Sous-Préfet prévenu,
convoque diverses personnalités musulmanes membres du bureau des Amis du manifeste.
Le Sous-Préfet : M Butterlin, affirme avoir fait connaître à ces personnes l'interdiction
de tout cortège à caractère politique et l'avis qu'elles seront tenues pour responsables
de tout incident. Il prévint l'Autorité Militaire (mais la Commission n'a pu, au
cours de son bref séjour à Sétif, vérifier les réquisitions adressées), et aussi la gendarmerie.
Le Commissaire central se rend lui-même devant la mosquée et s'adressant à ceux
qui paraissent diriger le cortège, il les avise que toutes banderoles ou pancartes à caractère
politique sont interdites. Les organisateurs du cortège répondent qu'ils veulent défiler
pour fêter la Victoire et déposer une gerbe au monument aux morts. Le chef des
scouts musulmans, Yalla Abdelkader, déclare notamment qu'il retirera ses troupes si le
cortège a un caractère politique, il part même en voiture à la Sous-Préfecture avec le
commissaire central pour renouveler sa promesse et, au retour, invite les scouts à déposer
leurs matraques à la mosquée, mais, d'après le Commissaire central, quelques-uns
seulement obéissent et la plupart gardent leurs matraques.
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À ce moment, le commissaire central Tort quitte la place de la mosquée, va à la
sous-préfecture, puis à la gendarmerie chercher les 20 gendarmes qui devaient participer
au service d'ordre ; le commissaire de police Valère était chargé de l'escorte du cortège
et de la surveillance en ville.
Au moment du départ de la manifestation, le Commissaire Valère mettait en place
le service d'ordre et des agents, sous la direction d'un brigadier de police, se trouvaient
devant la Mosquée. Il n'a pas été possible à la Commission de savoir d'une manière précise
si le cortège s'est ébranlé au départ en portant des banderoles. Elle se proposait de
revenir à Sétif pour enquêter d'une manière plus approfondie. M. Chauveau, ancien
Commissaire de police à Sétif a déclaré que de nombreuses personnes prétendent que le
cortège est parti de la mosquée, se dirigeant vers la ville, banderoles déployées avec les
inscriptions : "Vive Messali" – "Pour la libération des peuples, vive l'Algérie libre et
indépendante" – Libérez Messali".
Par contre, la police locale laisse entendre que les banderoles ont été déployées en
cours de route.
Le Commissaire Valère qui se trouvait vers le centre de la ville a constaté que le
cortège composé d'une masse qu'il évalue à 7 à 8.000 musulmans portait des banderoles
avec les inscriptions interdites lorsque les manifestants lui ont apparu. Il a alors téléphoné
au Sous-Préfet d'un café voisin pour rendre compte du port des banderoles. Le
Commissaire Valère savait d'ailleurs, il l'a déclaré, que le Sous-Préfet avait interdit toute
pancarte séditieuse. Le Sous-Préfet lui a confirmé l'ordre d'enlever les banderoles. Le
Commissaire Valère a fait observer que le cortège comprenait 8.000 manifestants et que
l'exécution des ordres entraînerait de la bagarre. Le Sous-Préfet a répondu : "Eh bien, il
y aura de la bagarre". Sans contester la réponse, le Sous-Préfet dit ne pas se souvenir
exactement des termes qu'il a employés.
Le Commissaire Valère avise alors le Commissaire de la police mobile Olivieri
des instructions reçues. Celui-ci se précipite sur les porteurs de la première banderole. À
ce moment il reçoit des coups de tous côtés. Il est attesté tant par les déclarations des
policiers que par des témoins européens et indigènes que la bagarre a été déclenchée à
ce moment. Le Commissaire Valère a été atteint d'un coup de caillou, est tombé sur un
genou et s'est défendu avec sa canne.
Les rapports de police rendent compte que les manifestants, à ce moment, ont tiré
des coups de feu. Par contre, l'ancien Commissaire Chauveau, qui se trouvait par hasard
sur les lieux et qui, de l'avis unanime a contribué par la suite avec courage et dévouement
à rétablir l'ordre, croit qu'une rafale de mitraillette tirée en l'air par un agent a précédé
les coups de revolver venant des manifestants. Cette version est répandue dans tous
les milieux sétifiens.
La Commission, dans un souci de rechercher la vérité avec minutie se proposait
de vérifier ce point avec soin, encore qu'il lui apparut, a priori, qu'un agent qui fait feu,
en l'air, pour dégager ses chefs attaqués à coups de poing et coups de bâton, n'accomplit
que son devoir.
Dès les rafales de mitraillettes et des coups de feu échangés de part et d'autre, le
cortège s'est dispersé ; une seule victime européenne a été relevée à ce moment, mais,
en s'enfuyant les manifestants faisaient usage de leur revolvers et attaquaient à coups de
matraque ou au couteau des européens rencontrés sur leur passage.
Par la suite il est certain que le car de la gendarmerie est entré en action sous les
ordres d'un adjudant-chef et du Commissaire central.
Mais, il est aussi certain que les manifestants ont pu se reformer à hauteur du Monument
aux Morts au nombre de 3 à 4.000. un clairon indigène civil a pu sonner dans les rues de Sétif "la Générale" sans être inquiété. Le cortège qui s'était reformé a été coupé en deux par le car de la gendarmerie. Dès que les gendarmes ont fait feu après avoir reçu des coups de cailloux, les manifestants se sont dispersés.
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Un groupe, après avoir tenté d'envahir le commissariat de police, se retire devant
les injonctions de policiers mais va se livrer à des agressions dans divers quartiers de la
ville, un autre groupe se dirige vers le marché aux bestiaux où des meurtres sont commis.
À 11 heures, le calme paraît rétabli, la police et la gendarmerie ayant repris le
contrôle des rues de Sétif.
L'Armée, qui n'aurait reçu l'ordre de ne tirer que sur réquisitions écrites du Sous-
Préfet, n'aurait participé que tardivement et passivement au service d'ordre. La Commission
n'a pu vérifier ces allégations des services de la police.
Encore que la recherche des responsabilités locales pendant les évènements ne
soit qu'une des parties de la mission de la Commission d'enquête, un bref aperçu des
évènements à Sétif ; le 8 mai et les jours qui ont précédé, lui commandait de vérifier si
toutes les précautions avaient été prises dans l'attente de manifestations que nul ne semblait
pouvoir ignorer, si le service d'ordre était suffisant d'après les possibilités, si les
réquisitions nécessaires avaient été données, si le cortège n'avait pu être arrêté qu'après
800m. de parcours et alors qu'il se trouvait au centre de la ville, si les manifestants qui
se dispersaient devant les coups de feu n'avaient pu être poursuivis hors de la ville, si
toutes les Autorités avaient fait leur devoir, si certains chefs de la police n'auraient pas
dû rester sur les lieux de la manifestation au lieu de courir eux-mêmes téléphoner ou
quérir la gendarmerie, si les agents avaient reçu des instructions précises et même, sans
préjudice de l'enquête judiciaire, s'il est exact, ce qui nous a été affirmé par le Secrétaire
Général de la Mairie et le Commissaire Chauveau, que les communications téléphoniques
étaient particulièrement lentes et difficiles avec la Sous-Préfecture.
Comme il est certain que l'émeute n'a gagné les régions environnantes qu'après le.[/align]
__________________________________________________ __________
>>>> ÇáÑÏ ÇáËÇäí :
ÇáÓáÇã Úáíßã æ ÑÍãÉ Çááå
ÊÇÈÚ
qu'après le déclenchement de la bagarre à Sétif, la Commission se proposait de rechercher si les
autorités avaient tenté d'alerter les centres de l'intérieur pour aviser maires, administrateurs et gendarmes du danger et si notamment les gardes forestiers, dont six ont été assassinés
avaient été avertis, alors qu'en principe toutes les maisons forestières ont le téléphone
La Commission a retenu d'autre part que les Autorités locales ont toutes déclaré n'avoir reçu aucune instruction de l'Autorité Supérieure pour prendre des mesures particulières
de précaution le jour où la victoire serait célébrée alors cependant que des rapports de police (bulletin secret de la Préfecture d'Alger du mois de mars 1945) prévoyaient
des manifestations réclamant l'indépendance de l'Algérie pour le jour où "l'Armistice" serait annoncé.
L'enquête aurait été menée dans le même sens tant aux échelons supérieurs qu'inférieurs
La Commission se proposait spécialement d'enquêter avec soin sur l'attitude des cadres de l'administration musulmane (aghas et caïds), qui paraissaient bien placés
pour rendre compte fidèlement de l'état d'esprit des populations de leurs douars et des préparatifs qu'ils pouvaient, semble-t-il, difficilement ignorer.
Enfin, il importe de préciser si les ordres de ne tolérer aucun cortège avec banderoles séditieuses étaient d'initiative du Sous-Préfet ou d'une Autorité supérieure, car
d'après les renseignements non contrôlés, d'autres manifestations se sont déroulées en Algérie ce jour-là, et notamment à Sidi-Bel-Abbès avec des pancartes portant les mêmes in******ions qu'à Sétif sans causer d'incidents sanglants, la police étant demeurée passive.
§ 5 – CAUSES DIRECTES DE LA MANIFESTATION ET DES ÉMEUTES.
Sans vouloir en rien s'immiscer dans l'enquête judiciaire, la Commission a seulement constaté que bon nombre de manifestations se sont déroulées en Algérie les 1er
mai et 8 mai, que toutes ces manifestations étaient à caractère exclusivement politique et avaient pour but de réclamer la libération de Messali et l'indépendance de l'Algérie.
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Elle a aussi constaté que seule la manifestation de Sétif du 8 mai avait tourné à l'émeute pour gagner les régions environnantes
Il faut souligner que les manifestants de Sétif portaient un drapeau algérien tricolore rouge (à la hampe) blanc et vert avec un croissant et une étoile rouges à cheval sur
le blanc et le vert. Le drapeau a été saisi par la police.
C'est aussi un fait que les musulmans de Sétif réclamaient l'indépendance de l'Algérie dans la ville dont Ferhat Abbas est conseiller municipal, où il exerce la profession
de pharmacien et où ses partisans (Groupement des Amis du Manifeste) sont actifs etnombreux.
La Commission a également retenu que les manifestants au nombre de 8 à 10.000 (chiffre donné par la police) étaient venus en grand nombre des campagnes environnantes
– c'était d'ailleurs à Sétif, jour de marché – que bon nombre étaient armés de matraques ou de couteaux, voire de haches, de sabres et de revolvers, mais qu'ils n'étaient pas
porteurs d'armes automatiques ou de fusils de guerre.
Par contre, au cours des expéditions dans les campagnes qui ont suivi les manifestations du 8 mai, l'armée s'est trouvée en présence de rebelles porteurs de fusils de
guerre et d'armes automatiques. Elle a découvert un trépied de mitrailleuses (renseignement donné par un capitaine de tirailleurs).
La Commission a aussi constaté que les manifestants ne protestaient pas contre une insuffisance de ravitaillement et pour réclamer une amélioration dans les distributions
de denrées.
Elle a enregistré les déclarations de bon nombre de témoins affirmant que les indigènes
de Sétif avaient le même ravitaillement que les européens et que Ferhat Abbas se plaisait à reconnaître le bon comportement des autorités locales administratives et
policières vis-à-vis des indigènes. De même il lui a été affirmé que les indigènes des campagnes environnantes de Sétif étaient relativement les mieux nourris, voire les
mieux habillés de l'Algérie
Un Lieutenant-colonel de la Légion Étrangère stationnant à Chevreul a déclaré avoir trouvé dans un gourbi 50 kgs de sucre et dans un autre, quantité de tabac et d'allumettes.
La Commission n'entend tirer aucune conclusion générale des cas particuliers signalés par cet officier supérieur, elle se proposait, d'ailleurs, de vérifier avec soin quelles
denrées avaient été distribuées dans les mois précédant les émeutes et aussi de rechercher si les denrées étaient bien parvenues à leurs destinataires
Il a été reconnu, tant à la sous-préfecture de Sétif qu'à la préfecture de Constantine que les populations du sud du département, qui sont misérables, ne se sont pas soulevées.
Si l'on rapproche toutes ces considérations du fait que, dans les campagnes, les émeutiers ont attaqué les européens au cri de "Djihad" (guerre sainte) et que ce cri a été aussi entendu à Sétif (rapport de police à la préfecture de Constantine), la Commission a le droit d'en conclure que le mouvement avait un caractère insurrectionnel politique et fanatique.
Mais la Commission ne croit pas dépasser ses attributions en écrivant que de tout ce qu'elle sait, il résulte que les manifestations de masse qui se sont déroulées en maintes
villes du territoire algérien et qui ont pris un caractère d'émeute à certains endroits,
un caractère seulement menaçant ou haineux à d'autres localités, obéissaient à une action concertée tendant à revendiquer l'indépendance de l'Algérie à la face des autorités françaises.
Pourquoi ces manifestations ont-elles tourné à l'émeute sanglante à Sétif, puis au nord de cette ville et le lendemain à 200 km de là, à Guelma ? L'enquête judiciaire le
recherchera. La Commission enregistre seulement le fait que la bagarre s'est déclenchée
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après l'enlèvement de la banderole à Sétif et que des émissaires sont ensuite partis dans les campagnes.
La Commission se proposait d'enquêter avec soin sur les causes de l'arrêt de manifestations ou de rassemblements qui s'avéraient menaçants dans bon nombre de localités
du département. Il a été signalé l'attitude courageuse de certaines personnalités musulmanes
(M. Benhabylès à Oued Zénati, le caïd d'Aïn-Abessa, dont Ferhat Abbas demandait la révocation, des marabouts de la région de Périgotville). Dans d'autres localités,
et d'après le Général Commandant la Division de Constantine, des membres du parti "Amis du manifeste" ont été sollicités en vue d'un appel au calme. Il serait intéressant de connaître si la dispersion des rassemblements et la sauvegarde de certaines localités sont dues à l'énergie d'un administrateur, au prestige d'une personnalité musulmane, à l'autorité d'un homme politique ou simplement au passage de troupes munies d'armement moderne.
Sans vouloir en rien mettre en doute le dévouement et le loyalisme dont nombre de musulmans influents ont donné la preuve, il est cependant permis de rechercher si
quelques-uns n'ont pas prêché le calme par calcul politique, parce que l'émeute dérangeait leur plan ou parce que le jour de l'insurrection générale n'était pas encore arrivé.
La Commission n'a pu aborder cette partie de sa mission, faute de temps.
Elle croit devoir cependant signaler une explication ethnique qui lui a été donnée à Constantine par Me Ben Bahmed, avocat, du fait que l'émeute a été sanglante surtout
dans la région des Babors et autour de Guelma, alors que des contrées séparant ces centres insurrectionnels sont demeurées calmes. La population des Babors est berbère,
fruste, s'est soulevée en 1871 et a été difficilement réduite.
Après l'insurrection de 1871, une partie de la population des Babors aurait été amenée dans la région de Guelma où elle aurait fait souche sans perdre ses caractères et
en conservant des liens de parenté étroits et des relations suivies avec les habitants des douars du nord de Sétif. La Commission n'a pu vérifier l'authenticité et la pertinence de
cette explication
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LES PARTIS POLITIQUES OU ASSOCIATIONS QUI ONT INCITES ;
AUX MANIFESTATIONS
Il est un fait qui ne peut être discuté : les manifestants réclamaient la libération de Messali. D'autre part, des rapports de police signalaient depuis quelques mois qu'un
accord paraissait conclu entre les "Amis du Manifeste", le "Parti populaire algérien" et
"l'Association des Oulémas" réformistes. La Commission a estimé, dès sa première réunion
qu'elle devait rechercher comment les partis et groupements avaient pu prendre une telle extension et une telle influence et s'ils n'avaient pas bénéficié d'une certaine
tolérance ou même complaisance de la part des Pouvoirs Publics ou de personnalités locales en dehors de toute complicité caractérisée, ce cas ne pouvant relever que des
juges militaires.
La Commission n'a certes jamais songé à s'arroger un droit de censure sur la politique gouvernementale , mais elle croit que le devoir de l'Administration, à tous les
échelons, est non seulement d'exécuter les ordres reçus, mais aussi de faire preuve d'initiative en signalant les dangers de groupements, d'associations à caractère hostile à la souveraineté française et, à plus forte raison, de ne pas donner l'impression que certains partis, dont la politique ne pouvait être ignorée, étaient favorisés.
Sur ce problème, le rapport sera forcément fragmentaire, l'enquête n'ayant duré que cinq jours.
a) le P.P.A. – Le Chef du P.P.A., Messali, d'après les renseignements fournis par la Direction des Affaires Musulmanes, était, au début de son activité politique,
communiste. Il aurait séjourné à Moscou de 1930 ou 1931 à 1935, il a créé à Paris
"l'Étoile Nord-Africaine", ligue qui fut dissoute en janvier 1936. Il est devenu nationaPage
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liste musulman, se serait séparé des communistes par ambition personnelle et aurait voyagé en Suisse où il aurait rencontré des personnalités musulmanes d'Égypte et de
Palestine et peut-être en Allemagne
D'après le Dr Bendjelloul, membre de l'Assemblée Consultative, Messali serait venu en Algérie alors que M. Millot était Directeur des Affaires Indigènes et avec l'assentiment de celui-ci pour diviser l'opinion publique musulmane. Ce point n'a pu être vérifié. La propagande de Messali a cependant paru dangereuse dés avant la guerre de
1939. La Commission, retenait, pour son travail que Messali a été condamné en 1940 à 15 ou 20 ans de travaux forcés pour complot contre la sûreté de l'État – la Commission
se demande quels étaient exactement la prévention et les motifs de la condamnation, –
alors que cependant quelques mois après, en 1941, Messali avait été libéré et mis en
résidence surveillée, l'Amiral Abrial étant Gouverneur général de l'Algérie.
Nous nous proposions de rechercher la forme de la décision d'élargissement et les influences qui avaient pu jouer pour l'obtenir.
M. Berque, Directeur des Affaires Musulmanes nous a dit que Messali avait été relâché sur promesse de ne pas faire de politique et qu'il aurait tenu parole pendant un
ou deux ans Mais Messali n'a jamais voulu faire de déclaration de loyalisme envers la France. Sa mise en résidence surveillée n'empêchait évidemment pas Messali de recevoir maintes personnes et de transmettre des directives. D'après un renseignement parvenu à la Commission et non vérifié La femme de Messali, qui habitait Médéa, avait
autorisation de circuler en voiture automobile. Or, il ne peut être discuté que la femme de Messali participait activement avant 1940 à la politique de son mari.
Il résulte des rapports de police que le P.P.A. a pris une extension considérable et inquiétante ; qu'il a en Algérie une organisation très minutieuse et que – étant parti dissous
depuis 1939 – il avait fait adhérer grand nombre de ses partisans aux "Amis du Manifeste", dont le chef est Ferhat Abbas.
La Commission a pu constater que le noyautage des "Amis du Manifeste" par le P.P.A. avait été signalé par les services de renseignements qui en avaient dénoncé les
dangers. elle se proposait de vérifier les mesures prises par la Haute Administration ou les suggestions qu'elle aurait pu adresser au Gouvernement pour empêcher l'extension
d'un parti qui n'a jamais celé son caractère résolument hostile à toute souveraineté française.
b) Les Amis du Manifeste – Le chef de ce groupement politique est Ferhat Abbas,
pharmacien à Sétif, conseiller municipal de cette ville, conseiller général du département de Constantine et délégué financier, originaire de Taher où son père aurait fini
comme agha, une carrière administrative musulmane.
Élevé dans nos universités, M. Ferhat Abbas a reçu une culture occidentale assez poussée. Certaines personnes le dépeignent comme un ambitieux chez qui l'orgueil domine
l'intelligence
Marié avec une musulmane, il vit avec une française. L'origine du mouvement des Amis du Manifeste est parfaitement connue de la haute Administration. La Commission croit devoir rappeler simplement que, d'après les renseignements officieux parvenus
directement, ce groupement remonterait à la fin de 1942 ou au début de 1943. le Général Giraud aurait invité à un thé diverses personnalités musulmanes pour leur exposer
son intention de lever une armée de 300.000 hommes. Ferhat Abbas rédigea immédiatement une lettre pour exiger préalablement des réformes. Peu de jours après, deux
commissions ont été créées pour étudier les revendications musulmanes puis les commissions tardant à se réunir et un discours du Général Giraud où il aurait prononcé cette
phrase : "Le juif à l'échoppe, l'arabe à la charrue", ayant été fâcheusement interprété
plusieurs personnalités algériennes : israélites et musulmanes auraient décidé de réclamer une citoyenneté algérienne. C'est à la suite de ces réunions et discussions que le
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"Manifeste" fut rédigé. Ces renseignements proviennent pour la plupart du Dr Bendjelloul.
La Commission a retenu que, toujours d'après la même source, Ferhat Abbas aurait voulu adresser son "Manifeste" aux autorités alliées ne reconnaissant aucun pouvoir
au Gouvernement qui était à Alger, mais qu'il en aurait été dissuadé par les Drs Bendjelloul et Saâdane
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Le Dr Bendjelloul a aussi fait connaître que le Mouvement Autonomiste aurait été
encouragé par M. Peyrouton, alors Gouverneur général de l'Algérie, qui avait déclaré
être partisan d'une sorte de dominion algérien sous la souveraineté française.
Nous nous proposions de faire vérifier l'exactitude de ce propos qui, s'il a été prononcé,
ne pouvait manquer de susciter cher les interlocuteurs des espoirs d'appui officiel.
Signalons également que dans un discours à Sétif, le 29 avril, Me Mostefaï a dit
que M. Peyrouton avait accepté le principe du "Manifeste".
Le programme du "Manifeste" est connu :
Autonomie de l'Algérie symbolisée par un drapeau algérien,
Évolution du peuple algérien dans son cadre propre et hors de toute tentative
d'assimilation,
Le parti était toléré et avait un journal "Égalité" qui répandait sa propagande. Il
organisait des réunions publiques et créait des sections des "Amis du Manifeste" dans
toute l'Algérie.
De plus, maintes personnalités, tant musulmanes que représentant les colons, nous
ont affirmé que les dirigeants paraissaient jouir des faveurs de l'Administration.
À l'échelle inférieure, un ancien commissaire central de Sétif a déclaré que Ferhat
Abbas obtenait facilement pour ses protégés des avantages, comme des cafés maures,
malgré les avis contraires de la police et que Ferhat Abbas avait connaissance du contenu
des rapports dont il récitait des passages entiers. Le Sous-Préfet de Sétif a déposé, à
la demande expresse de la Commission qui l'interrogeait, que sa nomination à Sétif était
due au fait que sa carrière jusqu'en 1940 s'était déroulée dans la métropole et que le Commissariat à l'Intérieur, alors à Alger et notamment M. P. Bloch, avaient jugé qu'il ne convenait pas de nommer à Sétif un sous-préfet venant des communes mixtes. Le Sous
Préfet a aussi, répondant à nos interrogations, rapporté des confidences qu'il avait reçues de M. Deluca, président de la Délégation spéciale et assassiné le 8 mai, s'étonnant des
complaisances de la Préfecture de Constantine et de la Haute Administration algérienne pour Ferhat Abbas (autorisation I.G. de circuler, bons d'achat de quatre pneus neufs
délivrés par le Directeur des Affaires Musulmanes pour enquêter sur le cas de trois caïds de St-Arnaud, Colbert et Aïn-Abessa qui étaient hostiles à Ferhat Abbas).
Des conseillers généraux musulmans et colons du département de Constantine nous ont déclaré que Ferhat Abbas obtenait pour ses protégés ce qui leur était refusé
pour leurs électeurs. L'enquête n'a pu être poussée avec la minutie désirable, mais il résulte des conversations une impression nette que Ferhat Abbas, qui combattait l'Administration par son journal et ses propos, obtenait d'elle des avantages dont il savait tirer parti pour sa propagande en laissant croire qu'il était craint
Attitude hostile à l'Administration d'une part, faveurs au moins apparentes d'autre part, il n'en fallait pas plus pour que les populations musulmanes crussent que les fonctionnaires d'autorité redoutaient le personnage, ce qui ne manquait pas d'augmenter son prestige.
Il a été aussi signalé par des personnalités de Sétif et notamment les membres de la Délégation Spéciale, que la mise en résidence surveillée de Ferhat Abbas en 1943,
puis sa libération, deux mois après, avaient contribué à accroître son ascendant.
Mentionnons enfin que la Délégation Spéciale de Sétif comprenait comme membres musulmans Ferhat Abbas et sept de ses amis. Ceux-ci avaient été élus en 1935,
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maintenus sous le régime de Vichy et confirmés par le Gouvernement Provisoire lors de la formation de la Délégation Spéciale actuelle, malgré l'opposition des partis de gauche locaux (déclaration du vice-président de la Délégation Spéciale) qui ne pardonnaient pas à Ferhat Abbas d'avoir fait alliance avec le P.S.F. en 1935.
À Sétif, il nous a été aussi révélé l'existence d'une société "Fraternité sétifienne",
exclusivement musulmane, à caractère de société de bienfaisance et tendant à ne grouper que des sétifiens. D'après le Président : M. Larfaoui, tailleur d'habits, cette société comptait 1.800 membres (ce chiffre n'a pu être vérifié).
Le secrétaire Général de la Mairie nous a fait connaître que cette société hostile à
Ferhat Abbas et violemment prise à partie par lui, n'avait reçu aucun appui de l'Administration.
Il ne faut donc pas s'étonner que des fonctionnaires musulmans adhérassent au parti des "Amis du Manifeste" et que des caïds aient présidé des réunions données par
Ferhat Abbas.
M. Berque nous a déclaré qu'il avait suggéré que Ferhat Abbas, engagé en 1939,
soit mobilisé à nouveau et qu'il avait insisté auprès des administrateurs du département
d'Alger pour que ceux-ci dissuadent les fonctionnaires placés sous leurs ordres à adhérer aux "Amis du Manifeste". Mais ces conseils ou suggestions avaient un caractère confidentiel.
Il serait intéressant de connaître le sens de la propagande faite directement et isolément par Ferhat Abbas auprès des populations musulmanes rurales et d'avoir un résumé
fidèle d'un de ses discours prononcé dans un des centres de l'insurrection (il a parlé à Chevreul le 28 avril). Mais à Sétif, il apparaît certain qu'il patronnait des cercles et des
associations qui manifestaient leur fanatisme et leur nationalisme en pourchassant les indigènes fréquentant les cafés où se tenaient des européens ou les indigènes buvant du
vin.
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Il nous a été aussi déclaré par les services de police, par des conseillers généraux que Ferhat Abbas pour recruter ses adhérents, à qui il demandait 100 ou 120 francs, leur
laissait croire que les fonds serviraient à l'édification de mosquées et que ses agents menaçaient
les habitants des campagnes en leur disant : "Si tu es un bon musulman paie et adhère au parti. Si tu refuses, tu es un mauvais musulman".
c) Les Oulémas réformistes – À l'origine, cette association avait pour but de rénover la pureté primitive de l'Islam et de combattre le fétichisme. Mais des renseignements
fournis à la Commission, il résulte que les Oulémas étaient acquis depuis quelques années à la politique pan-islamique et que dans leurs medersas, ils commentaient
le Coran avec une exégèse fanatique. Les relations étroites des Oulémas avec les milieux nationalistes du Caire apparaissent comme certaines (renseignements fournis
par la Direction des Affaires Musulmanes et par les membres de la Délégation française à La Mecque). Malgré le danger de cette association qui, par sa propagande religieuse
peut prendre une influence déterminante sur les masses musulmanes, les Oulémas ont pu librement couvrir l'Algérie de medersas. Le Directeur des Affaires Musulmanes a
signalé, à ce sujet, que le décret sur l'enseignement en Algérie avait été promulgué en novembre dernier, bien que par notes répétées, il en eut signalé tous les inconvénients.
Ce ****e supprimait en fait tout contrôle de l'Administration. L'accroissement du nombre de medersas remonterait à six mois.
La Commission se proposait de rechercher le chiffre exact des établissements placés sous l'autorité du Cheikh Brahimi (chef des Oulémas), qui d'ailleurs est originaire
des environs de Sétif, et les répercussions des créations des medersas sur la fréquentation des écoles françaises par les musulmans.
Elle doit se borner à indiquer deux renseignements, l'un donné par les colons de Chevreul : avant 1940, une vingtaine d'indigènes fréquentaient l'école publique de ChePage
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vreul, après la défaite de 1940, trois seulement continuent à aller à l'école. En novembre dernier, une medersa Brahimi est créée à Chevreul. Aucun indigène ne va plus à l'école
française, 60 élèves vont à la medersa.
L'autre vient du Procureur de Tiaret (département d'Oran). Depuis la création d'une medersa, tous les élèves musulmans désertent l'école française pour recevoir le
seul enseignement coranique
Quant au nombre des medersas, les chiffres officieux varient dans de grandes proportions : alors que la Direction des Affaires Musulmanes parlait d'une centaine pour
l'Algérie, le Directeur du Cabinet du Préfet de Constantine a parlé de 120 pour son seul département.
d) La conjonction des trois organismes P.P.A., Amis du Manifeste, Oulémas apparaît donc comme redoutable.
Ferhat Abbas aurait cherché, d'après M. Berque, Directeur des Affaires Musulmanes et des membres de la Délégation spéciale de Sétif, à s'entendre avec les partis
socialiste et communiste mais n'aurait pu conclure alliance qu'avec le P.P.A. et les Oulémas.
Signalons cependant, à toutes fins, qu'un neveu de Ferhat Abbas, pharmacien à Constantine et très lié avec son oncle, est communiste et président des Amis de la démocratie
(renseignement fourni par la Préfecture de Constantine).
Sans connaître à quelle date exacte l'union des trois partis s'est réalisée, la Commission constate que le P.P.A. apportait à cette sorte de fédération son nationalisme
intransigeant, son organisation clandestine poussée avec une ampleur et une minutie qui paraissaient insoupçonnées jusqu'à ces temps derniers et qui ont été révélées par une
enquête dont le succès est à l'éloge des policiers qui l'ont menée.
Les Oulémas apportaient un fanatisme capable toujours de susciter, dans certaines masses musulmanes encore frustes, le désir de la "Djihad", les évènements l'ont démontré.
Quant aux "Amis du Manifeste", ils présentaient leur programme au public et à l'Administration comme la seule solution possible du problème algérien (rapport Préfet
Constantine sur la situation générale du 5 mai 1945), ils feignaient de s'inquiéter de l'apport massif du P.P.A. dans leur groupement (même source de renseignement), mais
dans leur journal, ils faisaient l'éloge de Messali et en réunion publique, ils faisaient l'éloge du P.P.A. (Sétif 29 avril, discours de Me Mostefaï, avocat, un des dirigeants des
"Amis du Manifeste").
Ils tiraient profit de la situation politique de leurs chefs pour faire croire qu'ils étaient redoutés.
Ils s'efforçaient de persuader qu'un geste de familiarité était un geste de crainte
(déclaration du Sous-Préfet de Sétif, rapportant un propos de M. Deluca).
Le Dr Saâdane, un des chefs du parti, s'écriait en octobre 1944 au Conseil Général
de Constantine : "Si les Arabes n'obtiennent pas satisfaction à leurs justes revendications
prenez garde au mouvement insurrectionnel" (compte rendu des réunions du Conseil Général
Ils obtenaient ainsi par opportunisme l'adhésion des fonctionnaires ou des chefs musulmans et pouvaient recruter des partisans dans toutes les branches de l'Administration
et dans des milieux que l'on comptait jusqu'à ce jour comme fidèles à la France.
§ 7 – CAUSES DU SUCCÈS DE LA PROPAGANDE ANTI-FRANÇAISE -
la Commission n'a pu, sur cette question, qu'enregistrer des avis divers sans les soumettre au contrôle de témoignages directs, de recoupements et de faits incontestés. Il
faudrait, d'ailleurs, une étude approfondie et dépassant le cadre d'un simple rapport,
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pour tenter d'analyser l'évolution de l'état d'esprit des musulmans durant les 25 dernières
années.
Signalons cependant qu'actuellement la presque totalité de la jeunesse des facultés est acquise aux idées nationalistes ou au moins autonomistes, que des hommes politiques
musulmans, qui paraissaient favorables au maintien intégral de la souveraineté française et qui avaient pris position pour les principes posés par l'ordonnance du 7
mars, voyaient, de leur propre aveu, fondre leur clientèle électorale (Drs Bendjelloul et Lakhdari).
La Commission a retenu comme causes d'aggravation d'un malaise, qui déjà se manifestait avant 1939, la chute de prestige que la défaite de 1940 a fait subir à notre
pays. Nous rappelons les propos des colons de Chevreul : Avant 1940, 20 élèves à l'école française, après la défaite 3. les archives des tribunaux pourraient aussi prouver
combien de musulmans ont été poursuivis en fin 1940 ou en 1941 pour avoir dit : "La
France est perdue, ne payons pas l'impôt à la France, nous le paierons aux Allemands .
Dans le même ordre d'idées, il ne faut pas cacher l'impression de force matérielle donnée par les Alliés après le débarquement, en comparaison des faibles moyens dont
nous disposions.
La Commission doit signaler les opinions concordantes de maintes personnalités
qui dénoncent les méfaits des radios allemandes et italiennes, leur propagande habile écoutée dans les cafés maures et même les gourbis et tendant à faire croire à la fin de
notre patrie